Comment surpasser les limites de la greffe ?

D- Augmenter le nombre de donneurs potentiels

 

1. Les campagnes pour sensibiliser le grand public :

 

Informer les citoyens sur le don d'organe semble la solution la plus facile à réaliser en France d'autant que dans certains pays comme l'Espagne, où la pénurie de greffons n'existe plus, les campagnes d'information ont contribué à faire reculer le taux de refus (il est de 15% contre 30% environ en France).

 

En 2009, le « don de vie » (don d'organe, de moelle, de sang) a été déclaré grande cause nationale. Cela a permis de mobiliser les différents médias (radio, télévision, presse, internet) dans des grandes campagnes d'information. Le 4 Mai 1996, l'association France ADOT*, dont nous avons rencontré le directeur départemental, organisait la 1ère Journée Nationale du Don d'Organes. Depuis cette date, chaque année les bénévoles de cette association vont à la rencontre du public pour aborder avec eux les questions sur le don d'organes : "Avez-vous bien compris ce qu'est le don d'organes ? Avez-vous pris position ? Avez-vous fait connaître cette position à vos proches ? Connaissez-vous la position de vos proches ? ". Depuis 2005, une journée mondiale du don d'organe est également organisée par l'OMS.

 

Le reste de l'année, les bénévoles distribuent des tracts dans les lieux publics, sont présents lors d'expositions, de salons par exemple. Informer les jeunes est aussi un objectif important pour les associations : tous les ans, les bénévoles de France ADOT 35 rencontrent environ un tiers des collégiens de 3ème du département et un certain nombre de lycéens. Le résultat est satisfaisant : il y a trois ans, la première campagne sur le don de moelle osseuse a entraîné un afflux de nouveaux donneurs.

 

Cependant, même si la nécessité d'informer les citoyens est inscrite dans la loi de bioéthique* de 2004, on sait pas vraiment qui doit en avoir la charge : les associations ou l'Agence de biomédecine* ? Ainsi, les budgets attribués ne sont pas toujours suffisants et peuvent freiner certains projets. La révision de cette loi en 2010 sera l'occasion d'éclaircir ce point et aussi de répondre à des demandes : en effet, France ADOT réclame la création d'un registre d'accord, pour ceux désirant donner leurs organes après leur décès, fonctionnant sur le même principe que le registre des refus.

 

Image : carte de donneur de France ADOT qui, pour l'instant, n'a pas encore de valeur aux yeux de la loi.

 

2.Les greffes ABO-incompatibles

 

Jusqu'à récemment, la compatibilité des groupes sanguins ABO entre donneur et receveur était considérée comme une condition indispensable avant toute greffe d'organe, notamment rénale.

 

Définition des groupes sanguins :

 

Les antigènes A et B sont présents à la surface des globules rouges et des plaquettes mais également à la surface interne des vaisseaux et des membranes des cellules rénales. Toute personne présente donc soit des antigènes A, soit des antigènes B soit des antigènes A et B, soit pas d'antigène. Dans ce dernier cas, elle est dite de groupe sanguin O. On ne peut pas se débarrasser de ces antigènes. Par ailleurs, toute personne a en contrepartie dans son sang, des anticorps dirigés contre les antigènes A et B qui diffèrent de son propre groupe sanguin. Ces anticorps quand ils reconnaissent les antigènes A ou B s'y fixent. Dans les cas de greffes d'organe ABO incompatible, ceci mène à une occlusion des vaisseaux et à une nécrose de l'organe greffé.

 

Éliminer ces anticorps présents chez le receveur avant qu'il ne reçoive un organe d'un donneur de groupe sanguin différent est le seul moyen de pratiquer une greffe ABO incompatible. La plasmaphérèse* (épuration du plasma), l'immunoadsorption* et les filtres spécifiques anti A ou anti B sont les moyens utilisés depuis environ 30 ans pour éliminer ces anticorps. Seuls certains receveurs peuvent recevoir une greffe ABO incompatible : un donneur vivant doit avoir été sélectionné, le traitement immunosuppresseur doit débuté un mois avant la transplantation sur le receveur pour que le taux des anticorps soit faible la veille de la transplantation. Le suivi est très rapproché au cours des 15 premiers jours en raison du plus grand risque de rejet aigu. Cependant, les résultats à moyen et long terme tant de survie du patient que de survie du greffon ne diffèrent pas d'une greffe ABO compatible.

 

En raison de la pénurie d'organe et de l'excellente survie des receveurs et de leur greffon rénal, le recours à la greffe ABO incompatible va augmenter au cours des prochaines années.

 

 

3.Le prélèvement à coeur arrêté

 

Depuis 2008, au CHU de Nantes notamment, des équipes médicales procèdent à des prélèvements d'organes (des reins) à cœur arrêté.

 

Ces opérations sont réalisées lorsqu'un patient décède d'un arrêt cardiaque. On regarde alors si ce patient est sur la liste des refus et l'on interroge ses proches sur son choix vis à vis du don d'organe. Ensuite, les équipes médicales perfusent le rein d'un liquide de préservation car celui-ci reste en bon état dans le corps du patient seulement 150 minutes. Si la famille donne son accord, on prélève l'organe et en fonction de sa résistance, on le greffe sur un autre patient âgé de moins de 60ans et recevant sa première greffe de rein.

 

Cette technique existe aussi pour le foie, rarement pour les poumons et les résultats sont similaires aux prélèvements sur mort encéphalique.

 

4.Greffe à partir d'un donneur vivant

 

En France, le don d'organe du vivant est possible. Il est essentiellement pratiqué pour le rein et il ne peut bénéficier qu'à un malade faisant partie du cercle familial. La pratique est très encadrée, pour des raisons médicales mais aussi éthiques.

 

Le donneur doit être un parent, un frère, une sœur ou un enfant du malade en attente de greffe. Depuis 2004, la loi de bioéthique permet aussi de prendre en compte les grands-parents, les oncles et tantes, les cousins germains, le mari ou la femme, ou toute personne vivant depuis au moins deux ans avec le malade. En dehors de cette liste, aucun don de son vivant n'est possible. Comme n'importe quelle greffe, il faut que le donneur et le receveur soient les plus compatibles possible : même groupe sanguin, proximité des systèmes HLA...C'est d'ailleurs pourquoi ce sont les membres de la famille très proche, génétiquement très semblables, qui sont les mieux placés pour donner.

 

Pour donner un rein, il ne suffit pas d'être volontaire. Il faut suivre un processus au cours duquel le donneur candidat est informé, passe des examens de santé et voit sa candidature soumise à un comité d'experts, appelé « comité donneur vivant », afin de vérifier que le donneur a bien compris les enjeux et les risques de l'opération, mais aussi de s'assurer qu'il n'a pas subi de pression de l'entourage, qu'il est bien libre de son choix.

 

De son vivant, on peut aussi donner une partie de son foie car cet organe possède la capacité de se régénérer à condition de laisser au moins 30% de sa masse initiale. (Le lobe droit représente 70% de la masse de l'organe et le lobe gauche 30%.) Environ 10 000 greffes de ce type sont réalisées dans le monde, mais elles peuvent présenter des complications post-opératoires pour le donneur : fuites biliaires, insuffisance hépatique, et dans 0,1 à 0,3% des cas le décès du donneur (la morbidité du donneur est proportionnelle à la quantité de foie prélevée).
 


 

 

5.Obtenir une meilleure coordination dans les hôpitaux

 

Pour permettre une augmentation des prélèvements, un plan greffe a été mis en place en 2001. 10 nouveaux établissements de santé ont été autorisé à réaliser des prélèvements d'organes. En 4 ans, le recensement des personnes en état de mort encéphalique a progressé de 20% et les prélèvements de 7%. Les moyens humains ont été renforcés : 12 postes médicaux et 52 postes infirmiers qui ont fait l'objet d'un recrutement en 2001 pour coordonner les prélèvements. Ainsi, dans les hôpitaux autorisés se sont crées des équipes de coordination hospitalière chargées de :

 

- Recenser les défunts susceptibles d'être prélevés.

 

- Accueillir les familles et recueillir leur témoignage sur la position du défunt envers le don.

 

- Assurer les examens biologiques et médicaux nécessaires au prélèvement.

 

- Prendre les contacts et les informations pour l'attribution des organes et l'organisation de leur transport.

 

- Coordonner le prélèvement au bloc opératoire.

 

Née de la loi de bioéthique de 2004, l'Agence de biomédecine a pour rôle, entre autres, de gérer équitablement les greffes d'organes (il existe des disparités assez importantes selon les régions).

 

Mais ces lois sont difficiles à mettre en œuvre pour certains hôpitaux ayant des budgets serrés, c'est pourquoi le professeur Charpentier et le professeur Lebranchu, deux grands spécialistes de la greffe, ont avancé dans leur « 10 mesures pour augmenter les transplantations », publiées en 2009 :

  1.  

    Mettre en place dans chaque hôpital un coordinateur pour recenser les décès par mort encéphalique.

  2.  

    Mesurer la disparité existant entre les établissements et/ou entre les régions dans le domaine des prélèvements et essayer d'expliquer ces disparités.

  3.  

    Optimiser la qualité des greffons prélevés.
     

     

     



    V) Conclusion
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