Afin de pouvoir greffer un organe, le greffon doit avant tout répondre à différents critères.
Les principaux antigènes de transplantation sont les antigènes d'histocompatibilité, appelés antigènes HLA*.?Ces antigènes sont des molécules présentes sur l'ensemble de nos cellules, très polymorphes au niveau de l'espèce humaine, donc très variables d'un individu à l'autre. Cela signifie que la probabilité que deux individus de famille différente (dit « donneur non apparenté ») soient « HLA identiques », est un événement exceptionnel.?Le système HLA pourrait ainsi être considéré comme une carte d'identité biologique, permettant de différencier les individus entre eux.?En situation de greffe d'organe, comme le greffon est le plus souvent (95 % comme nous l'avons vu) issu d'un donneur non apparenté, les différences dans le système HLA entre le donneur et le receveur (appelées aussi « incompatibilités ») existent et vont stimuler la réaction de rejet immunologique du receveur.?Des différences dans d'autres systèmes antigéniques sont également capables de stimuler cette réaction de rejet. Citons pour exemple le système des groupes sanguins ABO* dont le pouvoir stimulant est également très fort en cas d'incompatibilité.?Heureusement dans ce dernier cas, compte tenu du polymorphisme beaucoup moins étendu de ce système (seulement 4 caractères A, B, O, Rh) il est plus facile de respecter la compatiblilité entre donneur et receveur.
A côté de ces facteurs de compatibilité dans le système rhésus sanguin, ou encore les caractéristiques immunitaires dans le groupe HLA, le greffon doit respecter d'autres critères. Par exemple, on ne peut greffer un coeur d'adulte chez un enfant ( faute de place dans le thorax de l'enfant) . Cependant, pour le cas particulier du foie ou du poumon comme le foie peut être « tailler » (plusieurs lobes) et donc transplanter de manière partielle, afin qu'il corresponde aux critères de taille.
On appelle rejet la destruction du tissu greffé par les réactions immunologiques du receveur (déf. Immunologie générale Assim). Il est surtout la conséquence de deux entités qui participent toutes les deux à la défence immunitaire du corps humain : Les lymphocytes T et les anticorps.
Il existe trois sortes de rejet, chacun gouverné par un mécanisme différent :
Le rejet suraigu: il survient dans les heures qui suivent la transplantation et se manifeste sous la forme d'un infarctus du greffon (oblitération des vaisseaux qui irriguent l'organe).?Ce type de rejet est essentiellement dû à des anticorps pré-existants chez le receveur et dirigés contre les antigènes de transplantation portés par le greffon. Les anticorps peuvent aussi dans certain cas armer les cellules tueuses ( cellules K, macrophages ).?Il doit être prévenu par la pratique systématique de l'épreuve de compatibilité lymphocytaire qui précède la greffe et qui mime au laboratoire le conflit immunologique entre les antigènes du greffon et les anticorps du receveur.?L'existence de tels anticorps préformés s'explique par une réaction immunologique antérieure à l'occasion d'une transfusion, par la formation d'anticorps générés lors d'une première greffe ou par une immunisation foeto-maternelle chez la femme.
Le rejet aigu: il survient à partir du 4è jour post-greffe. L'organe greffé est le siège d'une infiltration par des cellules immuno-compétentes se manifestant par des signes fonctionnels et biologiques qui témoignent de sa survenue.?Ces signes alertent le médecin qui met rapidement en place un traitement visant à contrecarrer cette réponse immunitaire de rejet. De la précocité de ce traitement va dépendre la réversibilité des lésions.
Le rejet chronique : il s'agit de la principale cause d'échec des transplantations. Le rejet chronique s'installe insidieusement au cours du temps pour aboutir à une perte de l'architecture du greffon qui progressivement devient le siège d'une fibrose aboutissant à la perte progressive des fonctions de l'organe greffé.
Les immunosuppresseurs* sont les médicaments qui permettent de limiter les phénomènes de rejet, en neutralisant la réponse immunitaire de l'organisme du receveur. Ils sont également utilisés dans les maladies auto-immunes où le corps se défend anormalement contre ses propres structures, les reconnaissant comme étrangères. Ils diminuent de ce fait le taux d'anticorps, synthétisés par les cellules sanguines (lymphocytes B). Ceux-ci sont l'expression de la réponse aux « agressions » tels que les virus, bactéries ou corps étranger, tel que peut apparaître le greffon.
En diminuant la réponse immunitaire de l'organisme, les immunosuppresseurs permettent une meilleure acceptation du greffon, qui est alors moins vu comme une corps étranger. Mais par le même biais, ils exposent l'organisme à des virus et des bactéries qui ne sont plus vus eux-aussi comme des intrus, et peuvent entraîner de graves infections. De même, la réponse vis à vis des cellules anormales comme les cellules cancéreuses en est changée, des syndrômes lymphoprolifératifs et des tumeurs cutanées ont été rapportés avec une fréquence et une distribution comparables pour tous ces produits. Cependant, selon les molécules pharmacologiques utilisées, on note l'existence d'effets secondaires différents :
Les corticostéroïdes, à côté des graves infections bactériennes qu'ils favorisent sont également responsables d'hypertension artérielle (HTA), de diabète (élévation de la glycémie), de troubles cutanés (retard à la cicatrisation, notamment), arrêt de la croissance chez l'enfant.
Les inhibiteurs de la synthèse de l'ADN (azathioprine) peuvent être à l'origine de fièvre accompagnée de troubles hépatiques, pancréatiques, de troubles du rythme cardiaque, et d'altération de la fonction rénale. Ces troubles entraînent l'arrêt définitif et immédiat du traitement .
Les inhibiteurs de la synthèse des cytokines (ciclosporine) peuvent entraîner de graves insuffisances rénales, pouvant simuler une crise de rejet chez le transplanté rénal, ainsi qu'une hypertension artérielle. Ils développent exagérément le système pileux et provoquent un excès de potassium dans le sang (hyperkaliémie) entraînant faiblesse musculaire, diminution des réflexes, paralysies, palpitations, pouls irrégulier.
De même que ces molécules sont actives sur les lymphocytes B producteurs d'anticorps, sont aussi utilisés des molécules actives sur les lyphocytes T(cellules T) responsables également de la réponse immunitaire. Ces cellules neutralisent elles-même l'agent reconnu comme étranger. Différentes molécules sont utilisées pour diminuer le taux de cellules T.
Les sérums antilymphocytes T sont des immunoglobulines de lapin isolées à partir de lapins immunisés contre des lymphocytes T humains. Leur injection est relativement bien tolérée (fièvre rare et disparraissant après le premier jour) et de rares réactions allergiques.
Les anticorps monoclonaux qui se lient spécifiquement à un récepteur de la surface du lymphocyte T bloquant le signal de prolifération (multiplication) des cellules lymphocytaires. Ces molécules semblent relativement bien tolérées, même si les précautions vis à vis des infections et des risques de cancers sont les mêmes que pour les autres.
Une surveillance très régulière des malades traités par immunosuppresseurs est donc indispensable. En cas d'effets indésirables, on peut diminuer les doses, traiter l'affection en cours ou, le cas échéant, changer d'immunosuppresseur.
Nous ajouterons aussi que dans les premières greffes, les scientifiques n'avaient pas encore créés les immuno-suppresseurs. Pour compenser cela, on irradiait les cellules qui produisent la réponse immunitaire : celles de la moelle osseuse. Cette opération n'était pas anodine pour le malade avec un risque accru qu'il développe un cancer. Dès lors la fabrication d'immuno-suppresseurs commença